Arrivée de la reine Ranavalo à Paris
Les Parisiens ont décidément le besoin de crier : « Vive quelqu'un » ou « Vive quelque chose ».
Voyez plutôt :
La reine de Madagascar, privée par nous de son trône et traitée par le gouvernement sinon avec dureté, du moins avec une fâcheuse parci¬monie, supporte son infortune avec une douceur résignée et une dignité véritablement admirables.
Après l'avoir longtemps demandé, elle obtient enfin de venir visiter Paris.
Naturellement, une foule considérable vient l'attendre à la gare de Lyon.
Quelle est l'attitude de cette foule ?
Pensez-vous qu'on accueillera la souveraine déchue avec le sympathique respect dû à son
malheur ?
Point, sur le passage de cette reine à qui nous avons pris en somme ses Etats et sa for-tune, ce sont des cris formidables de « Vive la reine ! » cris tellement assourdissants que Ranavalo croit devoir affirmer qu'elle n'a pas peur.
Bon peuple de Paris dont les élans sont si généreux mais parfois aussi bien peu réfléchis.
A la gare, point de personnage officiel; seu¬lement, auprès de la reine, M. Lemaire, sous-chef de bureau au ministère des colonies, qui, l'ayant attendue à Marseille, ne la quittera plus d'une semelle, réglant l'emploi de son temps, décidant des visites qu'elle doit faire; en somme, ayant plutôt l'air de la garder que de l'escorter.
Pauvre petite reine, a-t-on peur qu'elle ne renverse le gouvernement!
Avec elle sont venues sa tante, Mme Ramasin¬drarana, dont l'abord est beaucoup moins sympathique, et la mignonne petite Marie-Louise, sa nièce.
Plusieurs personnes qui connaissent person¬nellement la reine sont venues la saluer, notamment M. Durand et sa femme, laquelle apporte à la petite Marie-Louise une belle poupée habillée en Malgache.
M. Durand est l'officier qui, chargé de conduire la reine déchue en exil, s'acquitta de sa triste mission avec un tact et une courtoisie qui furent très appréciés.
Une petite fille de huit ans, Mlle Zatou, née à Madagascar, et recueillie par une Française de Tananarive, a remis, vêtue de son costume national, des fleurs à sa reine qui l'en a remerciée d'une gracieux sourire suivi d'un gros soupir.